Le présent ouvrage s’inscrit dans une série de livres blancs et de guides pratiques du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz. Il revient, en 99 articles et entretiens, sur les principales évolutions du droit social et leur impact sur la profession d’avocat, tant sur le plan de l’exercice professionnel que de la gestion et de la stratégie de développement des structures d’exercice, autour d’écrits, de podcasts et de vidéos.
Réunissant près de 140 contributeurs, professeurs, avocats, magistrats, conseillers prud’hommes, inspecteurs du travail, responsables des ressources humaines, juristes, experts, etc., cet ouvrage ne prétend à aucune exhaustivité. S’il offre des clés de compréhension, il a d’abord été conçu comme une mosaïque de libres expressions et de contributions librement choisies par leurs auteurs servant de jalons à un débat plus large et approfondi. C’est ce débat, ce dialogue indispensable à une pleine adaptation aux changements présents et à venir, que le Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz entend accompagner, notamment avec l’organisation dans les prochaines semaines d’évènements-débats à Paris et en région.
Krys Pagani
Pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz
Laurent Dargent
Rédacteur en chef, Dalloz actualité
Co-pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz
Généralisation de la protection sociale complémentaire
Publié le 29/11/2022
Yannick Pagnerre
La protection sociale complémentaire (PSC) représente des milliards d’euros collectés auprès des employeurs pour être reversés à leurs bénéficiaires par les organismes d’assurance. Celle-ci poursuit de multiples finalités politiques, macro-économiques et micro-économiques, allant de l’équilibre de la couverture des risques sociaux (avec d’intenses rapports de force entre Gouvernement, partenaires sociaux et assureurs) au déploiement d’une politique de rémunération dans l’entreprise. La PSC a acquis ses lettres de noblesse ; elle mérite la plus grande expertise juridique.
Un constat
Le constat de la généralisation de la protection sociale complémentaire (PSC) est sans équivoque ; ce sont des milliards d’euros qui sont collectés auprès des employeurs, publics ou privés, pour être reversés à leurs bénéficiaires par les organismes d’assurance. L’importance des régimes complémentaires à la sécurité sociale n’a jamais été aussi grande, et ceux-ci sont appelés à se développer.
Une histoire
Le terme « généralisation » traduit une action ; celle de la PSC est une action cumulée des partenaires sociaux et du législateur. Deux exemples l’illustrent.
La première généralisation n’est autre que celle issue de la couverture complémentaire de la retraite dans le cadre du régime par répartition à gestion paritaire Agirc-Arrco. C’est pour répondre aux caractéristiques de la fonction cadre que les partenaires sociaux s’accordent en 1947 sur le régime de retraite complémentaire Agirc [1]. Le succès de la formule conduira ensuite à la création d’un régime salariés, l’Arrco [2]. Dans le sillage de la généralisation de la retraite complémentaire (Loi du 29 déc. 1972 à l'origine des art. L. 921-1 s.), un nouvel accord, en 1973, instaura une solidarité entre les régimes. En parallèle, dans le secteur public, l’organisation du système de retraite complémentaire inclut l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités locales (Ircantec) par décret du 23 décembre 1970. Les partenaires sociaux signent un accord en 1996 harmonisant des conditions d’attribution de points entre les régimes, créant un véritable régime unique pour l’Arrco et améliorant les finances de l’Agirc [3]. Dernièrement, c’est la fusion des régimes, dans le cadre du projet de service universel souhaité par l’État, contesté par les organisations professionnelles, qui a occupé les débats avec l’Accord national interprofessionnel (ANI) instituant le régime Agirc-Arrco du 17 novembre 2017, concrétisé en 2019 [4]. L’avenir est incertain ; la Cour des comptes s’est prononcée pour une reprise en main par les pouvoirs publics, considérant qu’« un système universel de retraite tel que proposé par le Haut Commissaire à la réforme des retraites (HCRR) en juillet 2019 rendrait caduque la question de l’articulation entre retraites de base et complémentaire ».
La seconde généralisation, encore en mouvement, est celle de la couverture des frais de santé voulue par les partenaires sociaux dans un ANI du 11 janvier 2013, légalisée dans le secteur privé par la loi du 14 juin 2013, puis étendue à la fonction publique par l’ordonnance du 17 février 2021 (CGFP, art. L. 827-1 à L. 827-12). Imposée légalement, la généralisation oblige les employeurs à financer au moins 50% de la complémentaire santé des salariés et agents [5], et se concrétise par l’élaboration d’accords collectifs divers (la négociation collective ayant été nouvellement consacrée dans la fonction publique) [6].
Ces deux exemples, forts, sont toutefois insuffisants pour illustrer l’histoire de la généralisation, qui se compose de multiples initiatives conventionnelles (notamment la prévoyance lourde en matière d’assurance décès) et d’innombrables textes, légaux ou réglementaires, touchant le droit fiscal, le droit social, le droit des assurances et le droit financier (avec les placements collectifs de retraite et les obligations prudentielles), les professions libérales, les mandataires sociaux, etc. Citons la loi Évin du 31 décembre 1989 visant à « renforcer les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques » (de prévoyance), la loi du 8 août 2004 ajoutant un précieux livre IX dans le Code de la sécurité sociale consacré aux garanties collectives complémentaires (CSS, art. L. 911-1 s.), la loi Pacte du 22 mai 2019 associée aux ordonnances des 3 et 4 juillet 2019 relatives aux retraites supplémentaires s’ajoutant à la retraite complémentaire déjà évoquée. C’est par le jeu de diverses enveloppes d’exonérations ou déductions fiscales et sociales du financement de la prévoyance complémentaire et de la retraite supplémentaire...