Le présent ouvrage s’inscrit dans une série de livres blancs et de guides pratiques du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz. Il revient, en 99 articles et entretiens, sur les principales évolutions du droit social et leur impact sur la profession d’avocat, tant sur le plan de l’exercice professionnel que de la gestion et de la stratégie de développement des structures d’exercice, autour d’écrits, de podcasts et de vidéos.
Réunissant près de 140 contributeurs, professeurs, avocats, magistrats, conseillers prud’hommes, inspecteurs du travail, responsables des ressources humaines, juristes, experts, etc., cet ouvrage ne prétend à aucune exhaustivité. S’il offre des clés de compréhension, il a d’abord été conçu comme une mosaïque de libres expressions et de contributions librement choisies par leurs auteurs servant de jalons à un débat plus large et approfondi. C’est ce débat, ce dialogue indispensable à une pleine adaptation aux changements présents et à venir, que le Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz entend accompagner, notamment avec l’organisation dans les prochaines semaines d’évènements-débats à Paris et en région.
Krys Pagani
Pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz
Laurent Dargent
Rédacteur en chef, Dalloz actualité
Co-pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz
L’avocat en droit social : une maîtrise nécessaire des droits international, constitutionnel et public
Publié le 29/11/2022
Olivier Dutheillet de Lamothe
L’activité de l’avocat en droit social n’est plus limitée au droit du travail. À la suite de diverses réformes, jurisprudentielle, constitutionnelle, législative, il pratique aujourd’hui quotidiennement le droit international, le droit constitutionnel et le droit public. Analyse des conséquences de cette situation.
Pendant longtemps, l’avocat en droit du travail ne faisait que du droit du travail : sa principale source d’information était la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation.
Cette situation a été progressivement remise en cause par le développement du contrôle de conventionnalité à partir de 1975-1989, par la création de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en 2008 et par la loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi.
Ces trois réformes conduisent l’avocat en droit social à faire respectivement du droit international, du droit constitutionnel et du droit public. Il en résulte un élargissement considérable de son champ d’investigation et d’action.
Le contrôle de conventionnalité
Principes
En refusant d’exercer un contrôle de conformité des lois aux traités internationaux dans le cadre du contrôle de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel, par sa décision IVG du 15 janvier 1975, a conduit les juridictions administratives et judiciaires à développer une nouvelle compétence : le contrôle de conventionnalité des lois [1].
Dès l’origine, en effet, le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions de l’article 55 de la Constitution, qui confèrent aux traités une autorité supérieure à celle des lois, ne devaient pas, pour autant, rester sans sanction. C’est aux tribunaux ordinaires de les faire respecter.
Les juridictions judiciaires [2] comme les juridictions administratives [3] se sont engagées dans la voie ainsi ouverte.
Le contrôle de conventionnalité a connu un essor considérable devant la juridiction administrative : alors qu’en 1989 la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH) n’était invoquée que dans 38 affaires, ce chiffre dépasse les 2 000 affaires en 2001, soit environ 40 % de l’ensemble des affaires jugées par le Conseil d’État.
C’est une arme puissante : malgré des différences apparentes, le contrôle de conventionnalité est de même nature et a, en pratique, les mêmes effets que le contrôle de constitutionnalité.
Sur le plan juridique, le contrôle de conventionnalité est exactement de même nature qu’un contrôle de constitutionnalité par voie d’exception : c’est l’équivalent en droit français de la « judicial review » américaine.
Sur le plan pratique, une disposition législative qui a été déclarée incompatible avec un traité international ne peut plus être appliquée, même si le jugement reconnaissant cette incompatibilité n’a que l’autorité relative de la chose jugée.
Ce contrôle de conventionnalité peut être exercé dans trois domaines : le droit international, la Conv. EDH et le droit communautaire.
Le droit international
En ce qui concerne le droit international, l’affaire du barème Macron est une bonne illustration de ce contrôle. Introduit par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le barème Macron d’indemnisation du salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse a été contesté au regard de deux textes internationaux :
- l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) aux termes duquel : « Si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention [les tribunaux] arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié […], ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » ;
- l’article 24 de la Charte sociale européenne, aux termes duquel : « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s’engagent à reconnaître […] le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».
Les conseils de prud’hommes se sont divisés sur cette question. Au 1er avril 2019, deux décisions avaient retenu la conformité de l’article L. 1235-3 aux textes internationaux (Le Mans et Grenoble), sept décisions avaient écarté l’application de l’article L. 1235-3 (Paris, Troyes, Amiens, Angers, Grenoble, Lyon, Agen), enfin une décision avait fait application du barème mais par une motivation ambiguë (Caen).
Saisie d’une demande d’avis par le conseil de prud’hommes de Louviers, la Cour de cassation a jugé par un avis du 17 juillet 2019 rendu en formation plénière :
- d’une...