Le présent ouvrage s’inscrit dans une série de livres blancs et de guides pratiques du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz. Il revient, en 99 articles et entretiens, sur les principales évolutions du droit social et leur impact sur la profession d’avocat, tant sur le plan de l’exercice professionnel que de la gestion et de la stratégie de développement des structures d’exercice, autour d’écrits, de podcasts et de vidéos.
Réunissant près de 140 contributeurs, professeurs, avocats, magistrats, conseillers prud’hommes, inspecteurs du travail, responsables des ressources humaines, juristes, experts, etc., cet ouvrage ne prétend à aucune exhaustivité. S’il offre des clés de compréhension, il a d’abord été conçu comme une mosaïque de libres expressions et de contributions librement choisies par leurs auteurs servant de jalons à un débat plus large et approfondi. C’est ce débat, ce dialogue indispensable à une pleine adaptation aux changements présents et à venir, que le Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz entend accompagner, notamment avec l’organisation dans les prochaines semaines d’évènements-débats à Paris et en région.
Krys Pagani
Pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz
Laurent Dargent
Rédacteur en chef, Dalloz actualité
Co-pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz
L’avocat et la négociation collective : opportunités et bonnes pratiques
Publié le 29/11/2022
Leila Hamzaoui
Georges Meyer
La négociation collective est amenée à se développer, en particulier sur des champs dérogatoires et complexes (la qualité de vie au travail, l’emploi…). La qualité du contenu des accords, leur application, leur interprétation, sont conditionnées par la qualité du processus de négociation. Sur ce point, la culture et les méthodes doivent évoluer. Les avocats peuvent être les garants de la qualité de cette négociation et de sa loyauté.
De manière notoire et affirmée, la loi du 8 août 2016 et les ordonnances du 22 septembre 2017 [1] ont entendu transférer sur la négociation collective d’entreprise une partie des prérogatives de la convention de branche mais aussi de la loi. Le rôle de créateur de normes de la négociation d’entreprise a été renforcé mais les champs de négociation ont eux aussi largement évolué.
De leur côté, les organisations syndicales, y compris les plus opposées aux réformes du code du travail, sont sollicitées pour négocier et nombre d’entre elles sont amenées à entrer en négociation et à signer des accords au-delà des déclarations outrées/offusquées.
S’il s’agit d’une opportunité pour les partenaires sociaux de se saisir des sujets au niveau de l’entreprise, ou d’une contrainte, le pli tarde à être pris. Pourtant, les conditions de la négociation d’entreprise sont bien réunies. Quels outils et méthodes pour bien négocier ? Et si l’avocat pouvait et devait jouer un rôle-clef dans cette construction ? Vision croisée et retours d’expériences d’une avocate d’employeurs et d’un avocat de syndicats.
Premiers constats : les freins et résistances
De « mauvaises habitudes »
Une confiance à construire. La récente évolution du droit de la négociation collective d’entreprise rend la négociation plus complexe, plus dense et plus « engageante » sans le support automatique de la négociation de branche.
Cela engendre de nouvelles craintes, renforcées par l’histoire de la pratique de la négociation et les habitudes et postures ancrées de part et d’autre de la table des négociations. Les sujets sensibles et la négociation dérogatoire se multiplient : réorganisations, Comité social et économique (CSE), mutations technologiques et sociétales, télétravail, qualité de vie au travail, etc. La pratique de la négociation d’entreprise peine à suivre.
La confiance est à construire. L’avocat peut jouer un rôle essentiel dans cette phase pour identifier les opportunités de négociation, former à la négociation, accompagner la négociation ou encore structurer et outiller le processus même de négociation. Par les contacts privilégiés qu’il développe avec son confrère et les règles déontologiques qui gouvernent cette relation, il est facilitateur de la construction de la confiance entre les partenaires sociaux ; sans naïveté quant à l’existence d’intérêts qui peuvent être différents, voire parfois opposés, sans compromission.
Une évolution nécessaire des méthodes et pratiques. Il est nécessaire que les partenaires sociaux opèrent un changement d’état d’esprit (« culture » de négociation). Cela implique un changement des pratiques (et même le bannissement de certaines d’entre elles) du côté des directions d’entreprise. Mais cela implique également une évolution indispensable du côté des organisations syndicales (notamment l’habitude consistant à recevoir/attendre des projets, à négocier « en réaction à un projet »).
En parallèle les règles de négociation comme les règles de droit pur ont beaucoup évolué, créant une instabilité supplémentaire dans la conduite des négociations. Les partenaires sociaux ont la lourde charge de créer la norme interne à l’entreprise. Là encore, l’avocat peut jouer un rôle essentiel en accompagnant ce changement, aidant à l’interprétation des règles et à la sécurisation juridique de la négociation tout en faisant le pont entre l’organisation, l’activité et le juridique.
Une qualité des accords à améliorer. La qualité des accords (règles claires, acceptées, appliquées, utiles…) est subordonnée à la qualité des négociations. L’avocat peut contribuer à développer et valoriser des outils d’appui à la négociation pour assurer cette qualité.
Des textes insuffisants ou inadaptés
Dans leur préoccupation de permettre une négociation dérogatoire, les réformes de 2016 et 2017 ont privilégié le résultat de la négociation – la production d’accords – et insuffisamment organisé le processus de négociation lui-même [2].
Quel que soit l’angle sous lequel on se place, syndicat ou employeur, on ne peut que relever un hiatus entre les affirmations de « renforcement » de la négociation collective, la complexification des sujets et l’absence/l’insuffisance de...