Le présent ouvrage s’inscrit dans une série de livres blancs et de guides pratiques du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz. Il revient, en 99 articles et entretiens, sur les principales évolutions du droit social et leur impact sur la profession d’avocat, tant sur le plan de l’exercice professionnel que de la gestion et de la stratégie de développement des structures d’exercice, autour d’écrits, de podcasts et de vidéos.
Réunissant près de 140 contributeurs, professeurs, avocats, magistrats, conseillers prud’hommes, inspecteurs du travail, responsables des ressources humaines, juristes, experts, etc., cet ouvrage ne prétend à aucune exhaustivité. S’il offre des clés de compréhension, il a d’abord été conçu comme une mosaïque de libres expressions et de contributions librement choisies par leurs auteurs servant de jalons à un débat plus large et approfondi. C’est ce débat, ce dialogue indispensable à une pleine adaptation aux changements présents et à venir, que le Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz entend accompagner, notamment avec l’organisation dans les prochaines semaines d’évènements-débats à Paris et en région.
Krys Pagani
Pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz
Laurent Dargent
Rédacteur en chef, Dalloz actualité
Co-pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz
L’avocat et la responsabilité sociétale des entreprises : quelles perspectives ?
Publié le 29/11/2022
Laurent Marquet de Vasselot
Développement durable, transition vers un nouveau modèle économique et social, évolution des façons de produire, de consommer, de travailler et de vivre ensemble : un défi pour notre société, une ambition pour l’entreprise.
La crise sanitaire sans précédent que nous avons traversée a généré pour beaucoup une profonde remise en cause du sens du travail. Un tel évènement, inédit par sa nature et par son ampleur, a pu être de nature à priver de sens nombre de situations sur lesquelles jusqu’alors l’on ne s’interrogeait pas.
L'opposition sans cesse mise en exergue au plus fort de la crise entre activités essentielles et activités non essentielles, le rôle au combien exemplaire tenu par les femmes et les hommes pour la santé de chaque être humain, ont inévitablement posé à chacun la question de l’utilité ou du sens de son travail, de son action ou de son engagement.
Parallèlement, cette crise a bouleversé le monde de l’entreprise. Dans un contexte parfaitement inattendu, certaines entreprises se sont recentrées sur des valeurs fondamentales, distinctes de celles procédant de leur vocation première de développer une production, un chiffre d’affaires ou un résultat. Elles ont privilégié dans la conduite de leurs actions, la solidarité, l’humanisme, ainsi que l’efficacité et le pragmatisme le plus grand. L’entreprise a montré sa capacité immédiate et sans condition à élargir sa mission à des mesures non directement liées à sa finalité première de rentabilité économique, ce pour mobiliser des moyens au service de la cité (chaînes de production des automobiles reconverties pour concourir à la fabrication d’appareils respiratoires, entreprises cosmétiques transformant leurs unités pour fabriquer du gel hydroalcoolique, entreprises de distribution alimentaire concourant aux dons, etc.).
De façon plus générale, ces circonstances ont évidemment conduit à renouveler la réflexion sur la quête de sens et sur la portée et la nature de l’action ainsi que de l’engagement de chacun dans l’entreprise et dans la cité.
Par ailleurs, et au-delà des aspirations que la crise sanitaire a pu faire naître, les exigences que porte l’impérieuse nécessité de faire face aux enjeux climatiques et de l’environnement, d’inscrire le comportement de tous les acteurs dans la perspective d’un développement durable et d’un nouveau modèle économique, donnent une acuité renouvelée à la nécessité d’une réflexion globale et profonde sur le rôle de l’entreprise, sa contribution à la société de demain, et finalement sur l’ambition de l’ensemble de ses parties prenantes de contribuer au bien-être collectif, pour ne pas dire au bien commun.
Dans ce contexte, l’avocat doit exercer son rôle dans le but d’apporter aux entreprises une contribution réelle pour déterminer les conditions et les modalités de la réalisation d’une telle ambition. Cela suppose qu’il exerce son activité de conseil pour identifier les leviers de l’engagement, tels la raison d’être ou les valeurs de l’entreprise, pour favoriser l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance à la stratégie de l’entreprise, pour déterminer les modalités de l’engagement des collaborateurs et enfin pour faire de la durabilité un enjeu stratégique pour l’entreprise.
Identifier la raison d’être et les valeurs de l’entreprise
La raison d’être et les valeurs de l’entreprise constituent de réelles sources d’engagement des collaborateurs et peuvent représenter une forme de réponse au fort besoin de sens qu’ils expriment.
Présenter les valeurs de l’entreprise et déterminer sa raison d’être caractérise à l’évidence un mouvement vertueux.
Il contribue en premier lieu à renforcer le sentiment d’appartenance à l’entreprise et favorise ainsi son unité. Il répond en second lieu à une aspiration réelle des collaborateurs à agir dans une entreprise dont la croissance est portée par des valeurs reconnues, partagées et affichées, ce qui est de nature à constituer une source d’engagement (déterminer ce qui anime ou motive profondément les femmes et les hommes qui chaque jour s’investissent pour l’entreprise, donner du sens à la volonté d’entreprendre et à l’action). Ce mouvement concourt enfin au rayonnement de l’entreprise dans la cité.
Nicole Notat et Jean-Dominique Senard relevaient dans le rapport remis aux pouvoirs publics le 9 mars 2018 (« L’entreprise objet d’intérêt collectif ») lequel a présidé sur ce point à l’adoption de la loi pour la croissance et la transformation des entreprises (dite loi PACTE) du 22 mai 2019 : « [La raison d’être] est souvent formulée pour renforcer l'engagement des salariés, en donnant du sens à leur travail ».