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Le présent ouvrage s’inscrit dans une série de livres blancs et de guides pratiques du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz. Il revient, en 99 articles et entretiens, sur les principales évolutions du droit social et leur impact sur la profession d’avocat, tant sur le plan de l’exercice professionnel que de la gestion et de la stratégie de développement des structures d’exercice, autour d’écrits, de podcasts et de vidéos.
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Réunissant près de 140 contributeurs, professeurs, avocats, magistrats, conseillers prud’hommes, inspecteurs du travail, responsables des ressources humaines, juristes, experts, etc., cet ouvrage ne prétend à aucune exhaustivité. S’il offre des clés de compréhension, il a d’abord été conçu comme une mosaïque de libres expressions et de contributions librement choisies par leurs auteurs servant de jalons à un débat plus large et approfondi. C’est ce débat, ce dialogue indispensable à une pleine adaptation aux changements présents et à venir, que le Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz entend accompagner, notamment avec l’organisation dans les prochaines semaines d’évènements-débats à Paris et en région.
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Krys Pagani - Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Krys Pagani

Pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Laurent Dargent - Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Laurent Dargent

Rédacteur en chef, Dalloz actualité
Co-pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

L’éthique & la morale en droit du travail

Publié le 29/11/2022

Jean-Marc Albiol - Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Jean-Marc Albiol

Avocat associé, Ogletree Deakins, cabinet d’avocats dédiés au droit social 
L’éthique & la morale en droit du travail - Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

 

Les rapports entre le droit du travail et l'éthique ont toujours été complexes. La matière juridique si elle intègre forcément dans la norme les influences de la morale collective tend à se distancier des règles éthiques pour imposer une norme objective acceptable par le plus grand nombre. Cependant, la tyrannie du sens dont s'abreuvent la société humaine en ce début de second millénaire tend de manière caricaturale à soumettre le droit du travail à la seule exigence morale. 

 

L'éthique est considérée en occident comme une branche de la philosophie traitant de la « régulation » de l’ensemble des comportements humains. Elle établit quelles sont les limites des droits et devoirs des femmes et des hommes généralement acceptables ou acceptées en société. Appliqué au droit social, il s’agit de déterminer quelle elle la place de cette morale collective universelle quoiqu’en définitive très locale dans notre ordre normatif, alors qu’elle fut longtemps soumise sagement à la seule Loi comme instrument de régulation ? Il s’agit également de savoir si elle peut, de par sa nature souple et évolutive se substituer purement et simplement à notre régulation « dure » et à nos tribunaux et devenir une valeur prédominante prenant le pas sur la norme, telle un animal fantastique ayant échappé à son créateur ?

 

Le droit ne définit pas l’éthique il définit la Loi

 

« Parce que cette nécessité est apparue au cours de la réflexion bioéthique, on parle aujourd’hui du droit de la bioéthique. Or ce dernier n’existe pas. Le droit ne définit pas l’éthique, il définit la loi » [1].

 

La place de l’éthique dans la norme de droit social

 

Quelle que soit la faculté où l’on ait étudié son droit social nous savons tous que parmi les sources du droit social, l’éthique joue un rôle au même titre que la doctrine, les lois organisant les conditions de travail ou la jurisprudence.

 

Toutefois au-delà du rôle des valeurs éthiques comme source d’inspiration de la norme dure en droit du travail (on peut penser notamment au respect des valeurs républicaines permettant la validation post seconde guerre mondiale de la représentativité des syndicats) [2], quelle place faire à l’éthique dans la norme du droit du travail ?

 

Il n’est sans doute pas nécessaire de revenir trop longuement sur la juridicité des normes éthiques adoptées par les entreprises tant le sujet a été admirablement travaillé il y a plus de quinze ans, dans la foulée du scandale Enron et sous l’impulsion de normes américaines, lorsque les entreprises françaises ont commencé à adopter des chartes éthiques pour tenter de juguler la corruption au sein de certains de nos champions nationaux [3]

 

L’excellent rapport sur la valeur normative de ces chartes, rédigé par le Professeur Paul-Henri Antonmattei et Philippe Vivien [4] ont mis en évidence que tout n’est pas obligatoire dans une politique ou une charte éthique mais dès lors que ces règles d’éthiques fixent des obligations pour les salariés, ces dernières doivent être incorporées dans le corps de normes en suivant la procédure applicable en droit du travail (consultation des IRP, adoption d’un règlement intérieur, information des salariés, conservation des données conformément au RGPD et à la loi informatique et liberté).

 

Une ligne de ce rapport ancien doit cependant nous interpeller en 2022 : « Tout n’est pas juridique dans une charte éthique et tout ce qui est juridique ne concerne pas le droit du travail ». Vraiment ? Force est pourtant de constater depuis quinze ans que les valeurs classiques inspirées de l’éthique incorporées soit aux règlements intérieurs soit aux contrats de travail comme la discrétion, la confidentialité, l’obligation de loyauté ou la non-concurrence se dont élargies depuis quelques années de l’exigence d’autres comportements aux valeurs beaucoup plus incertaines au regard du droit positif. 

 

En d’autres termes ne peut-on déjà constater les effets d’exigences éthiques parfois même au détriment du droit positif ?

 

Certaines de ces valeurs dont il est demandé le respect impactent la vie privée ; on peut penser aux politiques imposées dans les grands groupes internationaux visant à soumettre, sous couvert de la détection de conflits d’intérêts, à déclaration préalable les « relations romantiques ou selon le terme anglo saxon romance » entre deux salariés de la même entreprise ; d’autres imposant des contraintes qui restreignent la simple liberté d’expression sous couvert de l’engagement de loyauté à la ligne de communication de son employeur.

 

Finalement, on peut s’interroger sur le fait de savoir si l’éthique ne vient pas s’étendre sur le domaine de la conformité ?

 

Si la...

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