Le présent ouvrage s’inscrit dans une série de livres blancs et de guides pratiques du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz. Il revient, en 99 articles et entretiens, sur les principales évolutions du droit social et leur impact sur la profession d’avocat, tant sur le plan de l’exercice professionnel que de la gestion et de la stratégie de développement des structures d’exercice, autour d’écrits, de podcasts et de vidéos.
Réunissant près de 140 contributeurs, professeurs, avocats, magistrats, conseillers prud’hommes, inspecteurs du travail, responsables des ressources humaines, juristes, experts, etc., cet ouvrage ne prétend à aucune exhaustivité. S’il offre des clés de compréhension, il a d’abord été conçu comme une mosaïque de libres expressions et de contributions librement choisies par leurs auteurs servant de jalons à un débat plus large et approfondi. C’est ce débat, ce dialogue indispensable à une pleine adaptation aux changements présents et à venir, que le Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz entend accompagner, notamment avec l’organisation dans les prochaines semaines d’évènements-débats à Paris et en région.
Krys Pagani
Pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz
Laurent Dargent
Rédacteur en chef, Dalloz actualité
Co-pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz
L’évolution du droit de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes dans les entreprises
Publié le 29/11/2022
Cécile Terrenoire
« À travail égal, salaire égal » : la définition de l'égalité salariale est aussi limpide qu'imparfaitement réalisée, et qu'est devenu complexe le décryptage des dispositifs annexes créés en vue de sa mise en œuvre. Au cours des cinquante années d'existence de ce principe, suite aux constats répétés de la persistance des inégalités salariales, le législateur a créé un droit de l'égalité professionnelle, renforcé au fil du temps, puis, en tout dernier lieu, l'Index d'égalité des rémunérations. La question de l'égalité femmes hommes prend de l'ampleur dans le besoin, pour les entreprises, d'être accompagnées.
Le droit de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes dans les entreprises a été précédé d’un droit à l’inégalité des salaires, auquel il a mis fin par un arrêté du 30 juillet 1946 portant abrogation des dispositions relatives aux abattements autorisés pour les salaires féminins [1].
Cette évolution juridique n'ayant eu aucune conséquence sur les écarts de rémunérations, définies contractuellement, entre les femmes et les hommes, le législateur a fini par s’emparer de l’injonction constitutionnelle selon laquelle « la loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l’homme » [2]. Avec la loi n° 72-1143 du 22 décembre 1972 relative à l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes est ainsi affirmé que : « Tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ». Ces dispositions ont été codifiées telles quelles aux articles L. 140-2 à L. 140-8 du Code du travail par le décret n° 73-1046 du 15 novembre 1973 relatif au Code du travail [3].
Le principe de l’égalité salariale était né, mais dans les faits, les inégalités de salaire pour un travail égal ont perduré. Dans l’objectif de casser cette dynamique, un droit de l’égalité professionnelle a été progressivement bâti, incitatif puis contraignant à compter de 2012, sur l’établissement d’un état des lieux de l’(in)égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la mise en place de mesures visant à atteindre cette égalité. Dans les faits et jusqu’à ce jour, ce levier n’a pas permis l’accomplissement de l’égalité salariale.
En 2018, l’Index d’égalité des rémunérations a été présenté comme un outil permettant de mesurer le respect, ou non, de l’égalité salariale dans l’entreprise et a créé une obligation de résultat en la matière. Toutefois les paramètres de cette mesure obéissent à une logique qui, notamment, n’est pas celle du principe posé par la loi de 1972. Autrement dit, l’Index crée des obligations nouvelles, qui s’ajoutent aux précédentes.
Le droit de l’égalité femmes-hommes dans les entreprises n’a jamais été aussi abondant. Il est proposé de faire apparaître ci-après la part toujours plus importante et protéiforme qu’il occupe dans l’accompagnement des entreprises, voire, en particulier depuis la création de l’Index d’égalité, sa complexité.
Construction d'un droit de l'égalité professionnelle pour la réalisation de l'égalité salariale
Aux côtés et en renfort du principe de l’égalité salariale, un droit de l’égalité professionnelle a été construit en trois temps (1983, 2001 puis 2010), d’abord sur le seul terrain des relations collectives de travail, puis sur celui du pouvoir de décision unilatéral de l’employeur. Chacun de ces temps a été précédé du constat de la persistance des discriminations salariales, et de l'impuissance du recours contentieux, fruit d'initiatives individuelles et isolées, à y mettre fin. À cet égard, il était notamment souligné, en 1983 [4] :
- « La jurisprudence sur ce problème est … peu abondante et peu favorable en raison des difficultés de preuve liées à l’appréhension de la notion de valeur égale » [5] ;
- L’identification des « travaux de valeur égale » est d’autant plus hasardeuse qu’elle repose sur quatre critères sujets à interprétation (connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle ; capacité découlant de l’expérience acquise ; responsabilité ; charges physiques ou nerveuses [6] – qui n’ont pas fait l’objet des débats parlementaires relatifs à la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du Code du travail et du Code pénal en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, dite « loi Roudy ») [7].
C'est sur le terrain des relations collectives de travail, que deux premières obligations ont été créées, en matière d’égalité professionnelle. La première consiste à dresser un « état de lieux » des inégalités professionnelles entre les femmes et les...