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Le présent ouvrage s’inscrit dans une série de livres blancs et de guides pratiques du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz. Il revient, en 99 articles et entretiens, sur les principales évolutions du droit social et leur impact sur la profession d’avocat, tant sur le plan de l’exercice professionnel que de la gestion et de la stratégie de développement des structures d’exercice, autour d’écrits, de podcasts et de vidéos.
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Réunissant près de 140 contributeurs, professeurs, avocats, magistrats, conseillers prud’hommes, inspecteurs du travail, responsables des ressources humaines, juristes, experts, etc., cet ouvrage ne prétend à aucune exhaustivité. S’il offre des clés de compréhension, il a d’abord été conçu comme une mosaïque de libres expressions et de contributions librement choisies par leurs auteurs servant de jalons à un débat plus large et approfondi. C’est ce débat, ce dialogue indispensable à une pleine adaptation aux changements présents et à venir, que le Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz entend accompagner, notamment avec l’organisation dans les prochaines semaines d’évènements-débats à Paris et en région.
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Krys Pagani - Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Krys Pagani

Pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Laurent Dargent - Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Laurent Dargent

Rédacteur en chef, Dalloz actualité
Co-pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Le droit du travail n’est pas une île

Publié le 29/11/2022

Bernard Teyssié - Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Bernard Teyssié

Professeur émérite de l’Université Paris-Panthéon-Assas, président honoraire de l'Université 
Le droit du travail n’est pas une île - Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

 

Le droit du travail est indissociable des autres disciplines juridiques. Il ne doit jamais être enseigné sans qu’une large place leur soit également accordée. Il ne peut jamais être pratiqué, dès lors qu’est visé un haut degré de performance professionnelle, dans l’ignorance des autres branches du droit, notamment de celles qui composent la galaxie du droit des affaires. Le « travailliste » doit en maîtriser les lignes de force. Sa « crédibilité » à l’égard de l’ensemble de ses interlocuteurs, élément fondateur de son autorité, en dépend.

 

Un archipel ? Non, un continent. Le droit est un bloc. Nulle des provinces qui le composent n’est dissociable des autres. Le droit du travail n’est qu’une pièce d’un tout. Il participe d’entrecroisements normatifs qui ne se bornent pas à solliciter les disciplines rangées sous l’ample bannière du droit de l’entreprise, du droit des sociétés au droit fiscal en passant par ces champs, auxquels nombre de « travaillistes », au-delà de quelques discours de circonstance, ne prêtent guère plus d’attention qu’aux précédents, où se côtoient contrats civils et commerciaux, propriétés intellectuelles, sûretés, droit des entreprises en difficulté… Si la procédure civile, du moins pour ceux qui exercent ou aspirent à exercer la profession d’avocat, ne leur est pas totalement indifférente, il n’est pas acquis, à quelques exceptions près, que tel soit le cas de la norme pénale, prise dans l’une quelconque de ses dimensions, bien qu’elle accompagne la plupart des rubriques du Code du travail. Et que dire du droit administratif, y compris dans son volet contentieux, alors même que le droit des relations de travail est parsemé de décisions, autorisations ou contrôles de l’appareil administratif ? Que dire de la norme forgée à Bruxelles ou Strasbourg, Luxembourg ou Genève, de ce droit européen, même cantonné au droit social pour autant qu’un tel cantonnement soit réellement concevable, si largement méconnu, à l’égal de celui bâti, à coup de conventions ou de recommandations, sur les bords du lac Léman ? Que dire du droit international privé, pourtant indispensable à la compréhension et à la résolution des questions intégrant des éléments d’extranéité ?

 

Parce que le droit du travail n’est pas une île, la formation initiale de ceux qui sont appelés à le pratiquer, quel que soit le lieu dans lequel ils le pratiqueront, ne doit pas les enfermer dans la contemplation, exclusive ou quasi exclusive, des compartiments du droit social. Qu’ils connaissent de manière précise, et non superficielle, l’environnement normatif dans lequel il prend place et qu’ils devront maîtriser s’ils veulent accéder à un haut degré de performance professionnelle est essentiel. Les universitaires responsables de masters qui entendent afficher la spécialité « droit social » ne doivent pas enfermer les étudiants, dès la première année, dans la seule étude des sous-disciplines qui la composent avec, au demeurant, un fort risque de répétition. Entre un cours consacré à la négociation collective et un autre dévolu au droit syndical qui peut croire à l’absence de recoupements substantiels ? Que l’étude des sous-disciplines du droit social occupe, en première année de master, 50 % du temps dévolu à l’enseignement suffit. Doit être préservé l’espace nécessaire à l’examen des matières qui, absentes du programme de licence, sont indispensables à la formation de juristes capables de dialoguer efficacement, dans l’exercice de leur profession, qu’ils soient avocats ou juristes d’entreprise ou, un jour, dirigent un département de relations sociales ou de ressources humaines, avec des clients, des confrères, d’autres acteurs de la vie de l’entreprise avec lesquels ils ne devront point seulement débattre, quel qu’en soit l’intérêt, des mille facettes de la cause réelle et sérieuse de licenciement ou du chatoyant entrelacs des heures complémentaires et des heures supplémentaires. Même si la part dévolue aux sous-disciplines du droit social a vocation à s’étendre pendant la seconde année de master, elle ne doit toujours pas occuper la totalité de l’espace. Qu’au moins un quart des enseignements soient consacrés aux matières fondamentales que le « travailliste » ne peut ignorer en mettant l’accent sur leur rencontre et leur combinaison avec le droit des relations de travail est primordial. Si les enseignements ainsi reçus dans le périmètre de l’Université se conjuguent avec un accès pertinent, via un contrat d’apprentissage soigneusement choisi, à un début de pratique professionnelle, une carrière susceptible de déploiements multiples s’offre à leur bénéficiaire.

 

Parce que le droit du travail n’est pas une île, celui qui, à...

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