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Le présent ouvrage s’inscrit dans une série de livres blancs et de guides pratiques du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz. Il revient, en 99 articles et entretiens, sur les principales évolutions du droit social et leur impact sur la profession d’avocat, tant sur le plan de l’exercice professionnel que de la gestion et de la stratégie de développement des structures d’exercice, autour d’écrits, de podcasts et de vidéos.
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Réunissant près de 140 contributeurs, professeurs, avocats, magistrats, conseillers prud’hommes, inspecteurs du travail, responsables des ressources humaines, juristes, experts, etc., cet ouvrage ne prétend à aucune exhaustivité. S’il offre des clés de compréhension, il a d’abord été conçu comme une mosaïque de libres expressions et de contributions librement choisies par leurs auteurs servant de jalons à un débat plus large et approfondi. C’est ce débat, ce dialogue indispensable à une pleine adaptation aux changements présents et à venir, que le Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz entend accompagner, notamment avec l’organisation dans les prochaines semaines d’évènements-débats à Paris et en région.
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Krys Pagani - Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Krys Pagani

Pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Laurent Dargent - Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Laurent Dargent

Rédacteur en chef, Dalloz actualité
Co-pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Le droit social est beaucoup plus que du droit

Publié le 29/11/2022

Philippe Bilger - Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

Philippe Bilger

Ancien avocat général à la cour d'assises de Paris et président de l'Institut de la parole
Le droit social est beaucoup plus que du droit - Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz

J’ai toujours eu cette certitude que la technique et le savoir étaient indispensables mais qu’enfermés dans la matière à laquelle ils se rapportaient, ils risquaient de devenir incomplets, comme privés d’une part essentielle.

 

Sans doute ai-je éprouvé ce sentiment parce que, pour moi-même, je n’avais jamais pu m’empêcher d’aller au-delà du droit, non pas parce que je lui aurais été supérieur mais au contraire en raison du fait que j’avais toujours eu besoin de l’irriguer par et avec autre chose. Les vrais, les authentiques juristes se tiennent avec une allégresse intellectuelle dans la sphère qu’ils ont choisie. Ils ont sans doute raison puisque certains sont influents, considérés et même admirés.

 

Pourtant, au-delà de mes propres limites – les idées succédané des chagrins, avait écrit Marcel Proust – il me semble qu’il est permis de s’interroger, sans offenser les passionnés et les puristes du droit, sur ce que pourraient apporter à ce dernier la culture générale, la richesse des humanités et en tout cas cette dérivation apparente conduisant à l’appréhension d’une branche du droit par des chemins buissonniers, en définitive selon moi beaucoup plus opératoires pour assumer avec plénitude ce que l’intelligence juridique a d’irremplaçable, ce que la richesse d’un esprit cultivé lui ajoute.

 

À mon sens, c’est vrai de tous les secteurs du droit, notamment le droit pénal, le droit de la presse (moins du droit que du byzantinisme et de la préciosité au demeurant stimulants) mais aussi du droit social qui constitue par excellence un domaine où les relations humaines, pour le meilleur comme pour le pire, représentent le terreau fondamental à partir duquel rapports de force, dépendances, dominations, pouvoirs, justices, injustices, humiliations, révoltes et contestations ne cessent de s’exprimer avec un caractère le plus souvent équivoque, sans que la lumière nette et précise du droit pur puisse venir à tout coup les simplifier. 

 

Dès lors qu’il y a de l’humain, si le droit n’a pas à perdre sa place – sans lui, en l’occurrence, rien ne serait -, la culture, la littérature, la philosophie, les sciences humaines, l’Histoire ont en même temps la leur toute trouvée, aussi indispensable pour irriguer le droit de finesse, de souplesse et de fluidité que la rigueur juridique pour fournir une assise sûre et stable à des analyses qui sans elles se seraient dégradées en élucubrations, en concepts vides de sens.

 

Le droit et la culture, sans le moindre paradoxe, se nourrissant l’un l’autre, forment un couple où le savoir s’enrichit d’une autre forme d’intelligence, où l’approche cultivée se magnifie avec une structuration et une logique qui ne lui sont pas forcément naturelles.

 

Rien ne serait plus préjudiciable à l’univers du droit social, quelle que soit sa complexité ou parfois sa rigueur quasiment mathématique, ses décrets implacables, que de le priver de la chance d’être étudié, enseigné, expliqué, défendu et rénové par des esprits qui seront d’autant plus brillants et exemplaires qu’ils sauront allier, dans un même mouvement, la maîtrise de ses mécanismes et la force parfois douloureuse ou choquante de son humanité, comprendre sa part de vérité sans oublier les mystères qu’il recèle.

 

Le droit social c’est beaucoup plus que du droit. Il exige autant de sensibilité que de science. C’est pour cela que le droit est passionnant : parce qu’il est voué à être dépassé, vivifié, sans jamais perdre son identité.

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