Le présent ouvrage s’inscrit dans une série de livres blancs et de guides pratiques du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz. Il revient, en 99 articles et entretiens, sur les principales évolutions du droit social et leur impact sur la profession d’avocat, tant sur le plan de l’exercice professionnel que de la gestion et de la stratégie de développement des structures d’exercice, autour d’écrits, de podcasts et de vidéos.
Réunissant près de 140 contributeurs, professeurs, avocats, magistrats, conseillers prud’hommes, inspecteurs du travail, responsables des ressources humaines, juristes, experts, etc., cet ouvrage ne prétend à aucune exhaustivité. S’il offre des clés de compréhension, il a d’abord été conçu comme une mosaïque de libres expressions et de contributions librement choisies par leurs auteurs servant de jalons à un débat plus large et approfondi. C’est ce débat, ce dialogue indispensable à une pleine adaptation aux changements présents et à venir, que le Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz entend accompagner, notamment avec l’organisation dans les prochaines semaines d’évènements-débats à Paris et en région.
Krys Pagani
Pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz
Laurent Dargent
Rédacteur en chef, Dalloz actualité
Co-pilote du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz
Regards croisés : cabinets français et internationaux
Publié le 29/11/2022
Jean-Sébastien Lipski
Marc Patin
Si les cabinets d’avocats français demeurent les plus nombreux, les cabinets internationaux se sont considérablement développés ces dix dernières années. Les principaux sont évidemment les cabinets anglo-saxons, anglais et américains, qui ont pour beaucoup ouvert des bureaux parisiens. Toutefois, ils ne sont pas les seuls. Les cabinets allemands, italiens, chinois, japonais, s’implantent de plus en plus en France. Les avocats de tous ces cabinets ayant passé un barreau français, tous ont une même connaissance du droit français. En revanche, leurs pratiques et leurs méthodes de travail diffèrent, tant en raison des habitudes propres de leurs clients qu’en raison des personnalités et des cultures des avocats qui les composent.
Est-ce qu’il existe une diversité de parcours des avocats dans vos cabinets respectifs ?
Marc Patin : Dans notre cabinet, nous sommes tous de nationalité française et nous n’avons pas de double culture ou très peu, par exemple double culture italienne ou allemande, c’est-à-dire des cultures européennes et de tradition de droit continental. Tous les avocats ont donc une culture française et nous avons majoritairement évolué dans des cabinets français. Certains ont travaillé dans des cabinets anglosaxons mais une partie limitée de leur carrière. La diversité des parcours est donc plutôt relative.
Jean-Sébastien Lipski : Au sein de notre structure, les avocats sont tous au moins de nationalité française, et pour beaucoup ont des doubles nationalités. Nous sommes tous de culture française à l’origine, mais le volet international de l’activité implique que le personnel salarié, avocats, ainsi que les stagiaires, viennent d’horizons multiples. Certains stagiaires sont même de nationalité étrangère. Nous ne parlerons pas de double culture, mais de cultures multiples, qui nourrissent sensiblement nos pratiques respectives.
Les clients sont-ils majoritairement français ou étrangers ?
Marc Patin : nos clients sont très majoritairement français, à hauteur de 70 %. Nos interlocuteurs sont soit français, soit ont une forte culture française. Nos clients étrangers viennent d’horizons très variés, Belgique, Italie, Royaume-Uni, Europe de l’Est, Orient, Asie, États-Unis.
Jean-Sébastien Lipski : Notre clientèle est étrangère et française. Je ne saurai dire quel pourcentage tant cela varie en fonction des pratiques (arbitrages, M&A, social, IP/IT, fiscal concurrence, « white collar »). Mais globalement, notre clientèle vient de tous horizons, France, Europe, Asie Pacifique, Moyen Orient, Amérique.
Les méthodes de travail sont elles différentes selon que vos clients sont français ou étrangers ?
Marc Patin : Oui, car les clients étrangers sont inquiets et méfiants du droit français, notamment du droit social. Je me souviens d’un client italien très inquiet d’un contentieux prud’homal ; il préférait négocier à tout prix plutôt que d’aller devant les juridictions prud’homales quand bien même son dossier était juridiquement solide. Il a fallu le convaincre et presque s’engager à un résultat pour éviter un accord amiable financièrement désavantageux pour lui.
Les clients étrangers veulent avant toute chose une forte sécurité juridique et une visibilité presque mathématique du risque financier. L’impossibilité d’en donner une, contrairement à certains ordres juridiques, a pour effet que les clients étrangers souhaitent le plus souvent éviter par tous les moyens un contentieux.
Il faut donc faire preuve avant toute chose de pédagogie. Les clients français sont plus imprégnés par les risques et défauts du droit français et sont davantage prêts à prendre des risques et aller au contentieux.
Le travail est donc vraiment différent : dans le premier cas, les aspects juridiques et pédagogiques sont égaux alors que dans le second cas, l’aspect juridique prime largement. On parle donc plus droit avec les clients français qu’étrangers qui eux préfèrent se concentrer sur le risque financier.
Jean-Sébastien Lipski : Effectivement, les attentes d’une clientèle étrangères ne sont pas les mêmes qu’une clientèle française. Je ne dirai pas que les clients étrangers sont méfiants du droit français, en particulier du droit social pour ce qui est de ma pratique. Ils ont effectivement un a priori négatif et notre rôle est de désacraliser les contraintes sous-jacentes au droit du travail français.
Nous devons effectivement être pédagogues, en particulier en cette période où la compliance est une des principales préoccupations d’une clientèle internationale dans un environnement d’alerte éthique renforcé. À l’inverse, la clientèle française a tendance à moins se préoccuper des...